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Industrie de la Parole
J'aimerais pour commencer décrire
une situation contrastée. Elle donnerait une idée de l'écart qui se présente
entre une pratique ancienne et celle qui a débuté depuis quelques années,
mais qui est si nouvelle et puissante qu'elle risque de nous dépasser. D'abord
je témoigne d'une expérience que j'ai faite en me rendant dans une
présentation des nouveaux équipements et méthodes, prévues dans un service
psychiatrique de la région où je réside. Je pratique en libéral mais j'avais
été invité à prendre connaissance des projets de mes confrères
hospitaliers. Évidemment je me suis trouvé impressionné par leurs ambitieux
développements en cours, mais une chose m'est apparue manquante qui était fort
intrigante.
Depuis 2018, disons presque une année
avant, la légalisation de la téléconsultation avait eu lieu ; mais nous
étions encore avant la crise de confinement du Covid qui a provoqué en avril
2020 un grand bouleversement dans nos façons de voir. Entre les deux, ce
service hospitalier qui présentait sa médecine de pointe, n'avait pas fait
mention une seule fois de la téléconsultation ; sa présentation des
nouveautés et des années futures qu'il abordait, ignorait totalement que l'acte
médical avait été nouvellement légalisé. Si je n'avais été averti par
des années de recherche et d'expérience antérieures, j'aurai quitté la
réunion sans avoir aucune idée - et à fortiori sans du tout mesurer - la
transformation dans notre art médical qui avait débutée. En effet, la
législation venait de déclarer que l'acte médical à distance, par n'importe
quel média que le praticien choisissait de son mieux, était devenu strictement
égal à l'acte de contact traditionnel, lequel est appelé depuis lors "
consultation ou opération en présentiel ".
De l'ignorance à la prétention
La seconde expérience se fait aussi de suivre les nouveautés technologiques, non plus dans un hôpital mais sur les rapports décrivant les capacités dans le secteur de la psychiatrie, de ce qu'on appelle l'IA - acronyme en usage de l'Intelligence Artificielle bien qu'il vaudrait mieux l'appeler généralement Cybernétique. Comme je m'y intéressais depuis longtemps, je la cherchais dans mon milieu médical. Force a été de constater que dans par exemple tel Syndicat ou Association de Psychiatrie Française, ni cette science des relations entre les êtres vivants, les humains et les machines, ni son impact n'étaient jamais mentionnés dans leurs congrès, bulletins, séminaires etc... Je collectionnais les programmes et les publications et leur écrivis plusieurs fois sans réponse. Or lorsque, du point de vue des techniciens informaticiens nous cherchons quelles sont les nouveautés dont se réclame l'IA, nous apprenons que ses capacités diagnostiques et pronostiques de la dépression dépassent celle du praticien spécialisé - de telles performances sont atteintes sur le seul scan de quelques minutes d'un enregistrement vocal. Si y on ajoute le visionnement du visage, pratiquement à lui seul il permet encore à l'IA de diagnostiquer mieux que les experts humains, les traits schizophréniques. Sans vouloir bousculer personne, c'est plutôt d'un sain réalisme que l'on peut selon toutes probabilités, prévoir que dans les années qui se présentent, les ordinateurs, l'Internet et l'IA, procureront à l'usager des moyens de réflexion, de communication et de soin, directement avec la machine, qui sera devenue plus convaincante que la majorité des praticiens psychiatres.
Tel est le contraste que j'introduis pour commencer une guidance auprès d'un être humain nouveau-né au monde du fitbit neuralink, de la normalisation comportementale par la surveillance industrielle, et de la compagnie des robots assistants. Il y a d'un côté des informaticiens et des annonces indubitablement importantes et bouleversantes concernant nos pensées, nos gestes et nos ou notre intelligence(s) ; et d'un autre côté des praticiens indifférents - car il est inexact qu'ils ne savent pas - qui dédaignent ce qui les positionne comme de systématiques retardataires. C'est donc dans cet écart entre l'avant-garde de la psychiatrie et la psychiatre d'arrière-garde qu'il y a certainement une observation urgente ou du moins très utile à mettre en œuvre.
L'inversion des pôles de la déontologie
En bref, nous voudrions connaître
le médium inséré entre l'ignorance du médecin et la présomption de
l'informaticien - j'emploie actuellement ces termes, ignorance, médecin,
présomption, informaticien, tels que circonscrits et définis
ci-dessus. Dans ces limites nous trouvons cet objet-médium vague et vaste car
il y a une grande marge ouverte entre la docte ignorance et le savoir
artificiel. Cet objet mystérieux qui motive cette enquête est la Télémédecine.
Elle sera singularisée dans sa forme de téléconsultation que troisièmement
nous observons dans le secteur "psy". À ce point nous nous
engageons à débrouiller une nouveauté obscure qui pour commencer n'aura
présenté qu'un fil à tirer. Impossible de le prendre par le bout qui
n'émerge pas : dans l'année qui suivit sa légalisation la pratique nationale
de la télémédecine représentait moins de trente pour cent des prévisions de
l'ARS ! Mais une autre prise est donnée par la surprise.. d'une brève fenêtre
qui s'est ouverte en 2020 :
L'événement qui se produisit a remis
en question comme jamais la médecine hippocratique. On peut l'appeler dans le
moment où nous y sommes encore, la crise 'Covid'. Pourtant nous n'allons pas
considérer directement ce sujet (abolition de la liberté de prescrire et de
l'indépendance du médecin) trop impliqué en l'occurrence, mais par le constat
neutre de la libération qui eut lieu du télétravail. Dans le monde
industriel, cette délégation à l'appareil, la conception 'télé',
coïncide avec l'enjeu et la rotation d'une clé dans la serrure écologique de
première importance pour l'hygiène de l'humanité et sa santé mentale en
général. Pour suggérer l'ouverture qu'elle offre, le télétravail ramène en
balancier, de ce dernier à la première : du travail à la médecine et la
neutre observance du travail à la maison, ramène à la conjonction
entre la téléconsultation et le principe hippocratique.
C'est une sorte d'expérience de
pensée que je viens de faire. Elle suggère que nous saisissions le brin de
la pelote dont je viens de parler par le bout de ce principe médical. Dans la
fenêtre Covid une extension de télé-action a surgi qui renseigne
jusque dans l'alliance thérapeutique. Ce brusque engouement anime à nouveau la
question : quelle est la relation entre la médecine hippocratique et la
téléconsultation pour que les médecins ignorent la seconde et que les télématiciens
se prennent pour des médecins ? Bill Gates donne des leçons à l'académie
n'est-ce pas, il prescrit la santé des foules, des photos de propagande le
montrent injecter en personne le vaccin sur un enfant, il exhibe éhontément
une pratique illégale de la médecine. Qu'est-ce qui ferait que la règle
d'Hippocrate serait renversée ? Nous pourrions chercher pour répondre à cette
question, à prendre de longs détours de l'ordre des influences, des
dominations, des histoires politiques. Nous pourrions chercher à soulever la paléoéthique
administration de l'Hôpital par le gigantesque Revenu National. Mais avant tout
et beaucoup plus vite, nous tenons le plus simple indice du renseignement : la
téléconsultation retourne la règle hippocratique. Nous sommes alimentés à
théoriser que ce soit la Téléconsultation d'abord et per se, en soi-même et
par soi-même, qui inverse la relation médicale. Ce n'est pas quelque chose qui
est visible et aisément dit, parce que nous sommes comme dans l'ancien temps
entre Képler et Tycho l'un faisant voir à l'autre que s'il se modifiait, son
observation emporterait en elle son mouvement. Ici la consultation médicale
s'est modifiée, et un mouvement l'emporte inversée.
Les grandes apocalypses d'une Renaissance
Déjà les plus grands astronomes
et astrophysiciens se sont déboussolés en réfléchissant sur ces logiques
relationnelles. Il ne faut donc pas se choquer de s'en trouver, nous, petits
observateurs, un peu désarçonnés. Par bonheur on apprend qu'on se rétablit
bien avec deux trois relevés de bon sens. C'est ce qui est faisable ici. Il
existe avec la Téléconsultation un phénomène de premier ordre.
Ce phénomène dépasse probablement
de loin, les remarques fréquentes notant la mise en risque du secret
médical par les nouvelles technologie (big data, mercantilisation,
insertion dans les réseaux etc..) ; et pour cause il réside au plus profond de
l'acte-même de téléconsultation : le médecin pourrait-il bien assurer, voire
garantir le privé de son acte, ne peut empêcher que le patient, de son propre
côté enregistre et diffuse toute la donnée de l'acte médical qu'il
coordonne.
On pourra toujours chercher des
aménagements de sécurisation, comme par exemple on ne certifierait " acte
télémédecine " que celui qui aurait lieu d'une cabine ad-hoc, isolée,
insonorisée, dans une pharmacie ou un bus nomade. Ce ne serait digne que de
fantasme d'un contrôle qui dans la réalité a explosé dans la bascule où, à
l'inverse de l'intrusion que l'examen médical circonscrit dans l'antique
cabinet du médecin hippocratique, avec la télémédecine c'est le patient qui
la pratique, cette intrusion, dans le cabinet virtualisé dont durant
l'entretien le médecin se trouve totalement dépossédé. Il n'est pas
seulement dépossédé par menace de l'appareillage complexe et cybernétique,
il l'est par l'objet de ses soins. Le patient - et non plus seulement à minima
les caisses administratives - est le maître (absolu, à l'insu du praticien) de
tout de secret de l'acte.
Je m'avance dans la théorisation de cette bascule, car je pratique la téléconsultation depuis longtemps, on peut presque dire " avant qu'on ne l'ait imaginée ", depuis 1985 ! - en réalité bien sûr elle a été définie longtemps avant (1920/USA) mais en 85, on peut estimer qu'on ne faisait qu'approcher l'ascension qui allait devenir exponentielle de la tentative de l'occulter. Avant que brusquement les digues n'aient cédé, elle était même devenu interdite, sorte de crime vis à vis des caisses d'assurances qu'on ne conçoit pas mener à la baguette un conseil déontologique qui ne disait rien. Depuis longtemps courante à l'étranger, l'expérience longue, tranquille et ignorée puis frisant la dissidence me l'a fait connaître un peu et notamment, m'a fait réfléchir jusqu'à ce point, facilement minoré mais qui montre la loge du bouleversement de la médecine, simplement du fait d'invisiblement renverser la relation médecin-patient.
Du chiasma neurologique, l'image psychique
Aborder quelque chose de
prétendument bouleversant requiert diverses garanties, précautions et
approches. On ne s'attendrait pas spécialement à ce que les progrès en
pneumologie, gastro-entérologie etc.. les situent en première ligne dans la
considération de l'évolution médicale. Par contre le psychiatrie se distingue
de toutes les autres spécialités tant elle est concernée par les lois morales
et déontologiques. Elle est responsable du domaine où se jouent leur
raisonnement. Effectivement elle vient de montrer qu'entre une ignorance
craintive et un enthousiasme effréné, sa première approche de la
Téléconsultation y a fait voir une inversion de rapport touchant à la
fondation de l'hippocratisme. Deuxièmement, étendue de l'affect jusqu'à
l'intelligence, la connaissance psychiatrique est responsable de
l'explication de cette inversion.
Elle dépeint clairement comment, en
perspective et position de faire une investigation de l'avis et recommandation
de son médecin - au lieu de l'investigation du malade, par l'examen pratiqué
par le médecin - le patient fait chanceler la règle du secret médical déjà
attaqué par les constructions techniques de la nouvelle communication. Or la
vie privée n'est pas qu'un simple ornement de la culture ainsi qu'une
protection politique, elle est déjà en elle-même une force et un moyen
thérapeutique, dépassant le placebo et soulignant la confiance que l'on doit
avoir en un semblable et en soi-même.
Troisièmement, ayant mesuré le
risque, nous avons pu repérer le terrain et constater que cette inversion
polaire de l'examen est plus complexe encore qu'une simple
déresponsabilisation du médecin. Il reste un point de vue qui n'est pas
mobilisé, un fait irréductible :
C'est pour une maladie que le patient
a appelé une Téléconsultation et c'est le patient qui est malade .
Même si on arrive à contester le
fait dans certains chocs de la modernité où des médecins, débordés ou
dépossédés, dans tel ou tel service hospitalier commercial devient l'objet
d'attaques par des familles par exemple qui blâment le praticien comme s'il
était à éliminer, ces exemples que des actualités rapportent sont des
caricatures. Il est foncier mais peu visible qu'au renversement des
perspectives, s'oppose et résiste la première : le malade examinant le
médecin reste le malade. Cette double conjonction forge une règle logique,
illustrée tout du long du champ psychiatrique, du pôle neurologique en chiasma
jusqu'à pôle psychologique transfert-contre-transfert. C'est à ces
extrémités que la psychiatrie affirme sa responsabilité de régler l'impact
de la téléconsultation sur la déontologie.
Presque des théorèmes et modèles spatio-temporels
En cheminant pas à pas, nous
sommes arrivés à voir que la Téléconsultation expose son apport et sa
distinction dans le modèle d'une formule croisée, matrice à double-sens qu'on
trouve jusqu'en anatomie, qu'on appelle " chiasme " (définition :
"inversion de termes") ou mieux " chiasma "("avec
croisement ajouté"). Proche du mot " schisme " comme la
chronique des violences contre le corps médical l'illustre, un chiasma bien
compris et fonctionnel offre au contraire les vertus de la réflexion
neurologique et probablement, par sa conjonction à celle de la psychologie,
contribue d'une grande part à la conscience.
Ce " croisement inversé "
se protège d'abord derrière un flou protecteur. Ayant parlé de 'schisme' nous
sommes par association alertés immédiatement par les conflits et malentendus
attribués à un débile "psy-chisme" - mais dans ses troubles
justement, du langage et de la pensée un espace psychique s'est laissé
arpenter. Cette scène ou domaine, le psychisme, a livré ses règles,
une structure et des lois consignés par tant de Schéma, Modèle, Graphe,
Algorithme (respectivement 'L', 'Optique', 'du désir', 'discours sociaux').
La psychanalyse est la
spécialité scientifique qui a chiffré et formulé en algorithme le "
chiasma " pouvant décrire de la relation médecin-patient dans la
Téléconsultation. Ce n'est pourtant pas un modèle que la psychologie pure et
simple a manqué car elle en a produit, par la psychologie américaine une
prémisse (schéma de la Communication/PaloAlto) - c'est seulement que la
psychanalyse la complète (modèle de la relation inter-subjective). Mais nous
sommes avertis des scissions et brouilles à la conjonction des pôles de la
psychiatrie, logique et analyse.
Je pense qu'on comprendra le besoin
que j'ai rencontré de devoir avancer avec tant de détail et précautions, pour
affermir mon exposé, s'il débouche sur la découverte que la psychanalyse
trône sur la Téléconsultation ; car cette science contestée, voire déniée
est de surcroît détestée par la majorité des rationalistes qui, dans leur
même mouvement occultent sa fondation neurologique (Esquisse pour une
Psychologie Scientifique / inauguration des réseaux neuronaux par Freud)
ainsi que son autre versant fondateur, cybernétique (Séminaire inaugural
/ intégration du Test de Turing à la psychanalyse par Lacan).
Les dénégations de toutes parts
divisant la pensée, l'intelligence, l'identification etc.. m'ayant forcé au
rappel de la topologie (Schéma, Modèle etc..) de cette science d'aujourd'hui
un siècle et vingt ans, cette restauration des spéculations cognitives de la
médecine ainsi dressée, encore faut-il ajouter à cette délicate
réintroduction - entre médecine & psychiatrie du comportement et la
cybernétique des télécommunications, qui l'une l'autre fuient le domaine
psychique - de l'espace psychique, que lorsque la psychanalyse est invoquée
pour combler leur écart, j'introduis une psychanalyse tout à fait et
effectivement modernisée.
Tableau historique d'une évolution dans la déontologie médicale
Chaque fois qu'on fait attention,
on sait que Freud s'est considéré lui-même comme d'emblée dépassé par ce
qu'il découvrait et qu'il annonçait avec certitude que l'ébauche de la
pratique qu'il avait mise en route évoluerait suivant des techniques
éventuellement toutes autres. C'est ce que les maîtres de la psychanalyse qui
suivirent, par exemple Reich et sa psychologie des foules, par exemple Lacan et
son traité de cybernétique inaugural, ont préparé, bientôt d'autres en
politique etc... C'est à distance de sa fondation que la psychanalyse est
effectivement devenue toute autre, devant se renverser dans la psychologie des
machines (Intelligence Artificielle, Machines Désirantes) à la manière du
chiasme qu'on trouve caractéristiquement dans la Téléconsultation.
Ces précisions sont nécessaires à
l'état des lieux, car au moment où la Téléconsultation parut sur scène,
légale et médicale, les institutions et les mœurs communs montraient une
sorte de certitude d'en avoir fini avec un psychisme qu'ils assimilent à la
magie. Or ceux-là même qui voyaient aux flammes les magiciens de la pensée
étaient ceux qui, nous l'avons vu, ignorent ou dédaignent la
Téléconsultation et son importance historique, ne serait-ce seulement sa
pratique la plus rudimentaire dans l'équipement des thérapies de secteurs.
Bravo la médecine par les preuves qui oublie sa mise à l'épreuve ! Il
aura fallu que ce soit l'accusée de magie qui apporte la matérialiste
informatisation de la parole fournissant bien la preuve que sans elle
l'ignorance et la présomption gâcherait les attentes du progrès.
Prévenus que lorsque je parle de
psychanalyse, je fais cas d'un soin par le truchement du psychisme
structurellement à niveau des nouvelles technologies de la communication et des
réseaux, reprenons les choses, d'où nous sommes partis : premièrement la
Téléconsultation a été retardée. Pratiquement de 1920 à 2020, elle est
ignorée, voire méprisée sans qu'on dise ou sache pourquoi. Deuxièmement son
examen révèle qu'elle choque, bouscule ou réveille une éthique hippocratique
qui refusait à se rendre consciente. Puis en approfondissant l'étude, elle
trouve une formule logique de sa phénoménologie, une inversion croisée de sa
relation médicale. Enfin cette formule se retrouve dans les topologies et
algorithmes que la psychanalyse a intégrés de la cybernétique.
Ce serait prendre le risque d'inutiles
malentendus, de préciser ce que cela signifie pour la Psychanalyse elle-même,
traditionnelle et en déclin. Il importe ici seulement de noter sa présence
nominale. Notant le schisme de cette présence, s'en déduit la probabilité que
la Téléconsultation psychiatrique est chargée d'une particularité dans la
télémédecine en général et par rapport aux autres spécialités.
Nous n'en étions là qu'en approche de ce qu'il faut apprendre pour guider la Téléconsultation psychiatrique. Ce qu'on va pouvoir distinguer sur cette distinction d'un chiasma se traduit dans la matérialisation de protocoles. L'élément décisif dans les modalités de ce type de consultation ne devient sensible qu'à partir d'un choix, d'une option. L'approche que j'ai prise aidera à identifier les enjeux de cette alternative : on évaluera quels seront les conséquences et résultats comparés de la Téléconsultation dans tout son épanouissement et celle qui s'inflige une réserve, une restriction, nommément la consultation strictement audio - versus celle qui a lieu avec l'image, la visio correspondance.
Un protocole aménagé pour une pénétration spécifique
Souvenons-nous et réglons tout de
suite son statut juridique ; partant de la définition de la télémédecine aux
termes de sa loi fondatrice, qui compte tous les moyens de
télécommunication quelqu'ils soient : lettres, codes, images, instruments de
toutes natures qui permettent un échange d'information relevante, le mode
restreint téléphonique ne pose pas de problème de légalité ; Inclus à
égalité s dans la définition des objets qualifiés de télémédecine,
la distinction entre téléphone et visiophone ne dépend donc que du résultat
clinique et d'efficience intelligible entre leurs deux modes, dont le médecin
décidera.
Nous pouvons sur ces résultats partir
de comparaisons.
Les prouesses débutantes de l'IA que
j'ai mentionnées au début de cette analyse, nous apprennent le potentiel du
seul enregistrement sonore pour le diagnostique de la dépression à côté du
potentiel de l'image quand il s'applique aux troubles de la personnalité. Cette
différence incite à se demander si elle peut, voire doit être exploitée. Une
première estimation juge que la visio - qui pour le médecin inclut en
pratique l'audio - présenterait un avantage double ? Mais une
observation marginale - entre autres - suscite une attention : est-ce que
l'examen de la respiration au stéthoscope se passe mieux en regardant le
patient dans les yeux ? Cette question loin de toute raison est si absurde
qu'elle arrête l'opinion ; c'est que pour se concentrer, le pneumologue s'isole
des autres sens, voire ferme les yeux pour entendre mieux. En retour, c'est du
type "par l'absurde" que le raisonnement revient sur la fonction de
l'image en situation psychiatrique.
Dirigeons maintenant l'attention
sur les sciences de la parole.
Si la conception matérialiste de la
psychiatrie statistique et comportementale se débarrasse de la psychanalyse,
c'est parce que cette dernière n'a pas répondu à ses promesses d'un progrès
révélateur et de la fonction sexuelle et de la scène primitive (c'est à dire
de la relation alterne du chiasma, et la communauté de la rencontre, la
mémoire ou l'histoire). Au lieu de révéler leur fonction, le freudisme n'a
tenu qu'à s'attacher à l'abstrait étalage des symboles d'un cabinet, déniant
leur coercition. Du coup il a garanti la dominance d'une névrose (névrose de
Transfert) jusqu'à en venir à renforcer le 'moi' au lieu de le subjectiver. Il
fut suivi d'une fameuse analyse française, lacanienne corrigeant qu'elle
n'avait d'objet que la parole. Cette tentative corrigée était armée (comme
Freud en son Esquisse des réseaux neuronaux) par une Introduction
assurée par la cybernétique). Elle fut autant sidéré dans l'attachement
symbolique d'un autre 'moi'. L'histoire montre qu'elle échouait devant
l'érection des Machines Désirantes (Guattari/écosophie). C'est à dire
que la Psychanalyse ne s'est pas décoincée de la pathologie commune de
l'évolution qui se défend du progrès. Ainsi comme notre pneumologue susdit
c'est en fermant les yeux qu'elle pourra se reconcentrer. Or nous avons vu que
ses formules par contre la réglait sans défauts au régime inverse et croisé
de la télécommunication. Si elle est donc nécessaire, sa nécessité sera au
mieux satisfaite par l'exclusivté du mode audio. Par un autre chemin la
conclusion est identique : l'image du corps et l'image du 'moi' sont à un tel
point dépendantes l'une de l'autre, qu'en éviter la capture demande une autre
prouesse encore que celle de l'analyse psychique. Nous l'attendrons des machines
et de leur industrie du code et cela nous porterait, présentement sur d'autres
champs de la télémédecine qu'ouvrira la Réalité Virtuelle. Nous n'en sommes
pas ici à déchiffrer l'appareillage lui-même et le dispositif de la
Télémédecine.
Nous tenant à l'étape d'une
téléconsultation dans le monde entre humains, la psychanalyse est déjà
suffisante a suggérer que la consultation psychiatrique y sera excellente à
l'usage principal de l'écoute téléphonique. Cela d'ailleurs ne froissera pas
la petite histoire pour laquelle c'est lors de l'installation du téléphone à
son cabinet-domicile que vint l'idée à Freud de ce que signifiait parler sans
se voir.
Nous arriverions donc à envisager que
l'ascèse d'un téléconsultation privée d'image réalise concrètement la
feinte neutralité du cabinet où le psychiatre s'affiche détaché de toute
idéologie.
La voix montre tout son sens dans la téléconsultation psy
Une SS ne s'y serait pas trompée -
qui imposerait que cette consultation fut visio ; des tendances à l'autorité
sur la liberté du médecin de prescrire ont fait leur démonstration.
S'étendraient-elle à l'assurance maladie, il faudrait se priver de la
consultation téléphonique pour atteindre les summums de l'interdiction de
soigner. Ces dernières gardes de la pathologie sont connues en psychiatrie sans
qu'il soit nécessaire d'invoquer la résistance désignée par la
Psychanalyse. On sait que la maladie psychiatrique en propre ne se reconnaît
pas et que celle qui se reconnaît (hystérie, névrose) n'est en pas une ! mais
un semblant, voire une comédie pour la psychiatrie sommaire.
Nous pourrions encore une expérience.
Dans l'ordre de la réalité virtuelle une période "historique" a
été occupée par une site publique accessible en passe. Connu sous le signe SL,
Second Life, il permettait de présenter à l'écran des avatar, très
attractifs pour une identification. Il y eut même des 'cabinet' médicaux entre
des milliers d'autres expériences qui s'ouvraient, dans lesquels des figurines
des moi joueurs s'animaient. Seulement dans sa première étape, ce monde était
sans parole, comme les premiers films du cinématographe. Du jour où le son y
fut implémenté et que les avatars se mirent à parler avec les voix que les
joueurs par leur micro leur insufflaient, toute la magie éclata d'un instant à
l'autre. Nous avions l'expérience à l'envers, de la voix qui montrait sa
puissance sur une image, déjà extraordinairement potentielle - que l'image
nous avait trompé. Elle montrait une complémentarité dans une sorte de
contradiction, entre l'addiction de l'une et la diction de l'autre, et dictait
l'emploi d'usages déparés pour l'investigation et le soin de leurs entités
complètes.
Pour résumer, maintenant, nous
avons observé qu'il y a assez de raison et de matériel pour prêter à la
téléconsultation psy une particularité considérablement plus développée
que dans la téléconsultation en générale où déjà les renseignements
fournis par un pur et simple appel téléphonique (voir expérience Samu par
exemple) sont si riche d'information. En psychiatrie, cette même puissance de
la parole est encore plus relevée, d'autant que d'un certain point de vue, elle
puisse sembler devenir, non plus seulement diagnostique et de renseignement
mais, source thérapeutique, beaucoup plus profondément que par sa seule
consultation visio qui se tient plus comptable du conseil et du
médicament.
Deuxièmement la question est de
savoir si c'est la psychanalyse qui revient en force. Ce débat n'arrêtera ou
n'intéressera que l'examen des préjugés, des modes et de la magie etc.. Dans
une autre direction, une systématique neutre commencera du fait qu'avant tout
la téléconsultation psy guide les relations organisationnelles (inversions,
renversements) de l'éthique et du constat que l'isolement de la téléphonie y
rapporte une spécificité opportune. Cette séquence de fonctions suggère un
guide pratique de la manipulation de phases durant un soin, court ou long que la
téléconsultation psy permet d'envisager.
Ensuite sera-t-il temps de mettre à
l'épreuve les mathèmes et algorithmes que de son côté la psychanalyse avait
produit, dans sa circonstance effectivement similaire Ils fourniront peut-être
une aide conséquente dans l'intégration à l'Intelligence Artificielle par des
programmes annoncés. La translation de la confidence et de la concentration sur
le vecteur de la voix, ou de l'oral, réouvrira un espace psychique à
l'hypothèse lacanienne qu'elle pense (Test de Turing/la Lettre Volée).
Avant ce nouvel horizon un manuel de
protocoles guidera les usages, dans une population où croît ceux sortis
d'années de jeunesses passée sur un écran de jeux. Pour ceux-là l'audio sera
un début de sevrage, une sorte de sortie d'une monde où l'imaginaire était
écrasé par la capture de l'image et son apparence devenue si réelle qu'elle
ne fait pus grande différence entre l'avatar et le médecin à l'écran. Après
cette phase d'extraction que la téléphonie aura réalisée, ils obtiendront
une troisième découverte du monde suivant la prescription d'une rencontre en
présentielle. Suivant cette séquence, l'examen psy sera beaucoup plus marquant
et riche d'efficace, que celle débutant par la rencontre en cabinet assimilée
à l'ennui du vieux monde.
D'analogues raisonnements s'appliquent
à la population plus âgée qui à l'inverse trouve dans le chiasme de l'écran
la porte de leur enfer. Après avoir passé un siècle au téléphone sans que
leur attention n'ait été attirée une fois sur la mutation qu'elle opérait de
leur être social, il pourront par le stage du présentiel à l'audio réviser
leur ignorance et se remettre à penser pour que la réalité virtuelle puisse
les réveiller, comme du rêve du sommeil émergents.
La leçon de l'expérience
Dans les deux cas que nous venons
de prendre,la procédure excellente consiste à commencer par
l'audio/téléphonie, étant bien entendu que celle-ci n'est pas engagée comme
un simple échange courant d'une conversation, mais que sa distribution
médecin-patient la règle strictement comme un acte médical. Une fois cette
convention établie la téléphonie procure d'emblée une somme considérable
d'information. Elle a la valeur d'un examen radiologique en comparaison d'une
palpation si primordiale pour les généralistes traditionnels, mais à côté
de laquelle la radiologie, jusqu'aux scanner IRM etc, c'est certain, présentent
une quantité de valeur bien plus grande. La palpation puisqu'elle est si
précieuse, doit être réservée au décours des "examens secondaires"
pour effecteur le couronnement synthétique de la médecine générale. Car elle
porte en soi un facteur et son flux imaginaire puissant dans lequel le praticien
puisera ultérieurement la réflexion sur ce qu'on appelle, de manière un peu
galvaudée, généralement son contre-transfert. Il m'est arrivé de
consulter de nombreuses fois sans avoir vu la personne - lorsqu'une connaissance
néanmoins profonde était acquise par téléphone, l'occasion d'une rencontre
fut révélatrice d'une dimension redoublée de cette connaissance préalable ;
or aurais-je commencé d'abord par avoir en présentiel examiné la personne,
jamais je - ou nous - n'aurions eu de choc révélateur de la figuration que je
m'étais faite, exceptionnellement riche en profondeur d'information.
En conclusion un jeu habile et
intelligent entre audio et visio dans la téléconsultation psychiatrique est
une des composantes de structure du diagnostique et de la thérapie ainsi que de
leurs moyens. Le présentiel garde son importance mais pour ce qu'il loge la
circonvention la plus subtile de la maladie- on connaît pour cela des
psychiatres qui ont ou ont eu en horreur la téléconsultation. L'histoire des
développements des technique leur donne donc l'occasion d'en apprendre beaucoup
sur leurs ambitions.