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PuyPsy2000-20
Rapport d'exercice 20 années de Psychanalyse
de Médecine des Corps Sociaux

Table

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Le tournant de la psychiatrie durant mon périple
C'était au retour d'un périple durant lequel la psychiatrie,
mon métier, avait changé de doctrine.

 

   

   L'ouverture du cabinet se fit sans accroc. En posant le papier-peint on regardait à la télé les Tours Jumelles qui s'effondraient. Quelques mois plus tôt j'y avais présenté mes recherches et travaux. Ensuite j'étais rentré en France. C'était le retour d'un périple débuté dix ans plus tôt par obligation. La cause en avait été une option de dissidence que j'avais prise et théorisée entre Paris et Lyon. Cette théorie estimait que la fonction paternelle était devenue, ou deviendrait un acte dissident. Cette paternité avait une signification plus sociale que celle que le féminisme trouve au patriarcat. Il était même possible qu'elle fut " La " dissidence caractéristique. Elle n'apparaissait d'ailleurs plus, dans un monde où tout allait de mieux en mieux. J'en reparlerai peut-être. En attendant, mes voyages s'en étaient éloignés. lls traitèrent surtout, avec des universitaires et quelques aventuriers, de psychologie collective, de génétique, des corps sociaux, et de l'histoire du monothéisme ou bien de celle de Moïse. Puis je remarquais au retour que durant ces dix années d'absence, de 1990 à 2000 la France avait totalement changé le visage et les coutumes de sa psychiatrie. Ceci mérite que je m'y arrête un instant :

   Lorsque j'avais débuté mes études de médecine en 1968, mon but était psychanalyse et psychiatrie. Cette dernière était envahie de la pensée dite "freudienne" qui prenait en France la tonalité dite "lacanienne". Je ne dirai pas « tous », mais une grande partie, au moins une notable partie, des psychiatres en formation étaient en même temps, assidus au 'divan' de l'Inconscient. Il était courant de penser qu'être psychiatre sans avoir l'expérience d'une psychanalyse, était dangereux, pour soi-même et pour sa patientèle – du moins, que c'était un risque ajouté. La psychanalyse qui avait déjà plus de cinquante ans d'âge, commençait à gagner cette rive que Freud n'avait vu que comme un horizon, qu'il appelait « psychologie collective ». Après les événements de 1968, il paraissait que nous avions touché ce bord. Cela se manifesta par ce qu'on appelait psychanalyse ou psychiatrie « institutionnelles ». Ces jumelles élargissaient les analyses précédentes, immatures, nombrilistes, singulières et individualistes qui avaient poussé Freud à demander un moratoire. Et voilà que les " événements " permettaient de l'espérer. Avec l'anti-psychiatrie et la psychiatrie institutionnelle , l'analyse individuelle commençait à se confondre avec une analyse sociale, l'analyse de l'humain avec l'analyse de l'humanité.

   La civilisation avait très probablement atteint une rive. Le monde avait fait le plein d'assez de bombes atomiques pour finir par paraître idiot et on commençait à parler d'écologies environnementale, sociale et mentale. Cependant cette élévation de la conscience allait s'interrompre rapidement, sans avertissement ni autre forme de procès. Les réflexions à la mode allaient passer. La psychanalyse ne devenait plus une nécessité ; pire, elle qui avait toujours été contestée par au moins autant d'adversaires qu'elle avait d'adhérents, devenait soudain pour un large majorité une méprisable fausse-route. Le virage se fit sans bruit, comme une voix qui s'éteint. À mon départ en1990 je n'en vis pas le début ; revenant en 2000 je trouvais l'autre direction complètement prise. Aujourd'hui avec du recul, en 2020, je peux comprendre que la raison de mes voyages – qualifiable d'exil pour parler clairement – s'inscrivait précisément dans l'imperceptible bascule commençant à s'opérer. Ce n'était pas flagrant mais la psychiatrie institutionnelle qui avait vu le jour, des années 68 à 1990, et déclarée "anti-psychiatrie, schizo-analyse, etc.." approchait du bord de l'épuisement. À la manière solitaire dont j'avais commencé d'en parler, je participais de ce mouvement à ma manière indépendante, originale et sans l'approbation ni des classiques ni des avant-gardistes. J'avais donné le nom de psychanalyse plurielle à mon point de vue sur ce que mes collègues faisaient. La seule différence fut que je dus partir précipitamment, et que de leur côté ils s'éteignirent sur place, et lorsque je reviens, il n'en restait que cendres et poussières soufflées par la psychiatrie nouvelle, "comportementaliste" que l'on connaît à présent au lieu de l'"institutionnelle". C'est dans ce mouvement que le dernier psychiatre-psychanalyste du département venait de se suicider. Sous le choc on cherchait à le remplacer pour terminer l'histoire moins abruptement. Je trouvais un bel appartement pour ouvrir mon cabinet. Une petite patientèle y vint rapidement, et rien de particulier ne se passa durant les premières années.

 


 

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